Le Slow Heat, RETEX 2022-2024
Imaginez une stratégie de chauffage promettant non seulement une efficacité énergétique inégalée et un retour sur investissement presque immédiat. Cet article explore comment le Slow Heat m'a permis d'assurer à confort égal une rentabilité de 90% en investissant quelques dizaines d'euros et quelques heures.
J'ai pu tester cette stratégie lors des hivers 2022-2023 et 2023-2024, deux années me semblant suffisantes pour améliorer le processus et tirer un premier bilan significatif. À noter qu'au moment du test, mon IMC était raisonnable (environ 19,5) et que ma résistance au froid est modérée. Je pense donc être un bon cobaye. Enfin, mon logement du nord-ouest de la France est chauffé à 100% à l'électrique (chauffe-eau électrique et convecteurs) et me sert une partie de la semaine de bureau pour le télétravail.
La mise en œuvre initiale du système est relativement simple : la plupart des logements sont équipés de systèmes de chauffage (électriques, au gaz ou au fioul) pouvant être régulés par des thermostats et autres interrupteurs. La première chose à faire est d'éteindre ces coûteux dispositifs. Ensuite, il est possible de supprimer ou de revendre les radiateurs pour ne pas être tenté de les allumer.
Le principe du Slow Heat est simple et s'appuie sur deux piliers :
- Isoler au plus près plutôt que chauffer : Plutôt que de chauffer des pièces entières, mieux vaut empêcher la chaleur de quitter le corps. L'être humain, un mammifère à sang chaud, dépense 60 à 75% de son énergie en thermorégulation, c'est-à-dire à se maintenir à 36,6°C en moyenne. Empêcher la chaleur de quitter son corps permet de maintenir la température du corps sans investissement supplémentaire. Le dispositif assurant cette fonction existe déjà : c'est le vêtement.
- Améliorer son confort individuel par du micro-chauffage d'appoint pour conserver un niveau de confort constant. Il convient de chauffer uniquement et localement ce qui exige le plus d'être chauffé, en général les extrémités du corps (comme les mains) pour lesquelles la déperdition de chaleur est la plus élevée.
J'ai donc éteint mon chauffage en octobre 2022 et observé le résultat. Mes pièces de vie sont descendues à 9°C au plus bas observé début 2023 et 10°C début 2024. La température moyenne entre fin novembre et fin février était proche de 12°C à 13°C.
Qu'ai-je appris durant cette expérience de deux ans ?
- L'expérience a été bien plus facile que j'imaginais. Avec un peu d'organisation et un investissement (unique) d'une centaine d'euros, il est tout à fait possible de se passer totalement de chauffage l'hiver et de ne plus y penser.
- Utiliser des sous-vêtements techniques en polyester permet de limiter grandement le nombre de couches tout en évitant l'effet 'bonhomme Michelin'.
- Indépendamment de la protection offerte par les vêtements et les micro-chauffages, le corps s'habitue étonnamment au froid en quelques semaines. J'ai pu constater lors des deux années entre novembre et février que ma température ressentie avait augmenté de 3 à 5°C sur 3 mois. À la fin de l'hiver, fin février, 13°C dans mon bureau me semblaient presque chaud et j'ai supprimé plusieurs couches de vêtements.
- Les gains sur la facture électrique sont considérables. J'ai pu économiser environ 90% de facture sur l'hiver et au bout de la seconde année de rodage, gagner presque 50% sur ma facture d'électricité annuelle.
- Selon mon expérience, la température minimale 'acceptable' pour un bureau n'est pas de 19°C comme annoncé notamment par notre ministre des finances en col roulé mais plutôt de 10°C, température à partir de laquelle le froid commence à peser.
Mes conseils en termes de vêtements
- Investir dans des sous-vêtements thermiques. On en trouve dans les magasins de sport à des prix très raisonnables (quelques dizaines d'euros le lot). Ils altèrent peu les mouvements par rapport à leur niveau d'isolation. Les sous-vêtements de sport d'hiver sont aussi efficaces et beaucoup moins onéreux.
- Les doudounes légères sans manches sont efficaces et préservent une bonne mobilité.
- En dessous de 11/12°C, prévoir un caleçon long sous le pantalon pour plus de confort.
- Prévoir de bonnes chaussettes montantes en laine ou en polyester. Sous 12°C, enfiler deux paires l'une sur l'autre.
- Investir dans de bons chaussons bien rembourrés (en laine de mouton ou en polyester pour les plus vegans). Prévoir une bonne semelle pour éviter que la chaleur du pied soit perdue dans le sol.
- Bien respecter l'ordre des couches entre les vêtements de sorte à créer des zones d'air isolantes (je vous laisse consulter les nombreuses ressources sur ce sujet sur Internet).
- Pour des températures jusqu'à 13°C, je préconise : 1 T-shirt technique à manche longue + 1 pull polaire fin + 1 sweat-shirt ou pull en laine + 1 doudoune légère sans manche. Sous les 13°C, ajouter un ou plusieurs gilets.
Mes conseils en termes de micro-chauffages
- Si vous travaillez en télétravail, un sous-main chauffant est indispensable. Il coûte une trentaine d'euros et consomme entre 50 et 100W selon sa puissance (en général réglable). À comparer à un radiateur électrique moyen qui consomme 2000W pour tenter de chauffer toute une pièce... Il remplace très avantageusement les mitaines et procure une sensation de bien-être très appréciable. Pour les travailleurs sédentaires, c'est l'accessoire qui change tout car le froid est très handicapant pour taper au clavier.
- Pour les pieds, insérer sous les chaussettes une bouillotte en gel (env. 10€ la paire en pharmacie). Met quelques secondes à chauffer au micro-ondes et conserve ensuite les pieds au chaud pour un chausson bien isolé pendant des heures. Ce dispositif n'est nécessaire que très ponctuellement (quatre ou cinq fois par hiver) et pour des températures de 10°C environ.
- Pour la salle de bains : un souffleur (quelques dizaines d'euros en magasin de bricolage) suffit pour chauffer ponctuellement. Un chauffe-serviette réglé à une température raisonnable peut également être utile pour faire sécher toutes sortes de choses lors des saisons pluvieuses.
Limitations
- Ces retours s'appliquent à un mode de vie plutôt sédentaire et à un travail de bureau. Pour des cas d'activité plus physique, des températures plus basses seront probablement acceptables ou prévoir moins de couches de vêtements.
- Ceci est le retour d'une experience réalisée sans a priori mais peu scientifique vu la taille assez limitée de l'échantillon (une personne). De nombreux paramètres peuvent influer sur la température minimale acceptable avec un bon niveau de confort. Par exemple, le genre peut jouer, les femmes étant plus sensibles au froid (bien que plus résistantes à la douleur de façon générale) que les hommes pour des raisons physiologiques [Kingma, B., & van Marken Lichtenbelt, W. (2015)]. Votre limite n'est peut-être pas 10°C comme moi mais 11°C ou 12°C. À noter néanmoins qu'on a beaucoup de marge avec les valeurs couramment admises dans nos sociétés (entre 18 et 20°C).
- Je suis loin d'avoir testé toutes les solutions techniques et je suis resté sur du low tech très bon marché. Plusieurs personnes m'ont indiqué par exemple des chauffages radiants directifs que je n'ai pas (encore) testés.
- Il est possible que certains bâtiments particulièrement humides par exemple nécessitent un chauffage minimum pour éviter les moisissures.
- Les deux derniers hivers ont été les plus chauds jamais enregistrés grâce au réchauffement climatique. Des hivers plus rudes bien que de moins en moins probables nécessiteraient probablement un chauffage minimum. Les prévisions du GIEC (2024) de +3.8°C en France d'ici la fin du siècle sont rassurantes à cet égard.
- Mes voisin.e.s continuent de chauffer (merci à elleux !). J'en profite peu étant situé au rez-de-chaussée mais cela explique pour grande partie l'écart d'environ 10°C que je conserve entre l'intérieur et l'extérieur pourtant sans chauffer. Dans un monde où plus personne ne chauffe, il n'est pas exclu qu'il faille reprendre un chauffage limité pour conserver une température acceptable.
- En cas de problèmes de santé, consultez votre médecin avant d'entreprendre la mise en place de cette stratégie de chauffage.
Avantages imprévus
- Il est très satisfaisant sur un plan psychologique de se dire qu'on est libéré des dépendances financières du chauffage et que finalement, on s'en sort très bien ainsi...
- Ne chauffant plus, je n'ai plus de scrupules à aérer davantage, ce qui semble limiter les moisissures puisque j'ai eu moins de moisissures sans chauffage qu'avec.
- La suppression des convecteurs m'a fait gagner de la place.
- Le corps consomme plus pour maintenir sa chaleur. Il est donc possible de maigrir sans effort, ce qui est bon pour lutter contre les maladies liées au surpoids.
Quelle suite ?
Je suis maintenant relativement satisfait de ma gestion du chauffage l'hiver. En revanche, mon prochain défi sera la gestion des fortes chaleurs l'été sans climatisation, sujet probablement beaucoup plus ardu.
À suivre…